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Lire sur les remparts !

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22 avril 2020

Retrouvez nos prochaines chroniques sur le nouveau blog de la bibliothèque...

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20 avril 2020

Le pays des autres de Leïla Slimani...

slimani

Mathilde a 20 ans en 1947, elle quitte son Alsace natale pour rejoindre Amine à Meknes. Elle va retrouver ce bel homme de 28 ans, tellement charmant, qu'elle vient d'épouser en France et dont elle est follement amoureuse.

Amine a fait la guerre dans l'armée coloniale en tant qu'interprète, il s'est retrouvé dans un petit village alsacien logé dans la famille de Mathilde et c'est ainsi qu'ils se sont connus.

Après deux jours de voyage épuisants de Strasbourg à Meknes en passant par Marseille, Mathilde retrouve enfin les bras d'Amine...

Quand il lui annonce qu'ils vont vivre chez sa mère dans un petit appartement de la médina avec ses sœurs et son frère en attendant de récupérer la ferme et les terres familiales tant rêvées, Mathilde commence à se poser des questions.

En quelques mois elle apprend à supporter la solitude, à endurer la brutalité d'un homme et l'étrangeté d'un pays.

Amine se donne sans compter pour tirer un revenu modeste de ses terres arides, il a des projets de plantations d'orangers, d'oliviers, d'eucalyptus, il voit grand !

Mathilde s'adapte à cet homme dur, à cette culture tellement différente avec cœur et intelligence en pensant surtout à leurs deux enfants, Aïcha et Selim.

1954, c'est le début des émeutes au Maroc entre colons français installés et marocains de souche, Mathilde s'implique avec ténacité auprès des femmes marocaines et de leurs enfants, apportant les soins médicaux nécessaires, incitant les filles à poursuivre leurs études afin d'acquérir une certaine indépendance.

Mais les événements se précipitent et la peur s'installe...

Après Chanson douce qui a obtenu le Prix Goncourt en 2016, Leïla Slimani poursuit sa musique, beaucoup plus douce que dans son précédent roman, faite de sensibilité d'humanité, de féminité sous la forme d'une fresque balayant ces années cruciales au Maroc. Le Pays des autres est le premier volet d'une trilogie annoncée.

Vivement la suite... !

Alix.

Le pays des autres, vol. 1, La guerre, la guerre, la guerre, Leïla Slimani, Gallimard, 2020. 365 p.

Crédit photo : Electre.

 

17 avril 2020

La loi du rêveur de Daniel Pennac...

reveur

Je viens de lire La loi du rêveur de Daniel Pennac, que je suis allée rencontrer à Lamballe lors de sa (rare) venue en Bretagne le 22 février dernier. Durant cette rencontre il m’a, une nouvelle fois, enchantée. Mon enchantement s’est poursuivi à la lecture de son livre La loi du rêveur. Tout au long des pages, j’ai navigué entre rêve et réalité, à la lisière d’un autre monde vers lequel j’ai glissé doucement grâce aux mots enthousiasmants de l’auteur. Inutile d’attendre la fin du livre, tant Daniel Pennac nous promène dans un univers, forcément le sien, onirique, personnel et enfantin. Il fait référence au cinéma, dont son cinéma italien, mais le cinéma n’est-ce pas le rêve ?

L’enfance de l’auteur paraît tellement magique que là encore on ne sait plus très bien où est la part du rêve, ou bien ne serait-il pas en train, tout simplement, de nous raconter une fiction imaginée par sa plume foisonnante sans oublier les facéties dont il est capable. Mais qu’importe puisqu’on le suit allègrement. Le pays des rêves est déroutant, et ce livre l’est tout autant. Cette lecture m’a laissé une impression étrange autant qu’indéfinissable, comme si j’avais encore besoin de poursuivre le rêve avant de retrouver la réalité, la mienne, loin de celle de l’auteur qui m’a nourrie tout au long de ces 167 pages. Une sorte de « Alice au pays des merveilles » où Pennac, en maître d’œuvre, nous conduit subtilement de songe en songe, dans une enfance que, de toute évidence, l’auteur n’a pas perdue.

« Le rêve est pour moi le ferment de l’imagination » affirme Daniel Pennac, je suis prête à le croire et je le suis sans condition puisque tout est possible dans les rêves.

Michelle Brieuc.

Dernier livre paru : Un horizon à part, Michelle Brieuc, Lucien Souny, 2018. 263 p.

 

La loi du rêveur, Daniel Pennac, Gallimard, 2020. 166 p.

Crédit photo : Electre.

14 avril 2020

Chanson bretonne Suivi de L'enfant et la guerre : deux contes de Jean-Marie Gustave Le Clézio...

chanson bretonne

J. M. G. Le Clézio, Prix Nobel de Littérature en 2008, nous emmène avec ce dernier roman, paru en mars 2020 sur les chemins de Bretagne et en Provence.

Premier conte : Chanson bretonne

Alors laissons nous porter par "Chanson bretonne "au rythme de ses mots justes et délicats comme si ce récit était une musique.

J.M.G. Le Clezio n'est pas né en Bretagne, il y a séjourné quelques mois chaque été entre 1948 et 1954 mais il dit : "C'est le pays qui m'a apporté le plus d'émotions et de souvenirs. L'Afrique, c'était une autre vie, et quand elle a pris fin en 48,... je l'ai oubliée, non pas rejetée, mais effacée, comme quelque chose d'impossible, d'irréel, de trop grand, peut-être de dangereux. La Bretagne, c'était familier-familial."

C'est à Sainte-Marine, qu'il nous emmène dans cette Bretagne du pays bigouden, que sa mère aimait par-dessus tout : c'est là que son mari l'a demandée en mariage, c'est là qu'elle donnera naissance à son premier fils et c'est là qu'elle restera quelques mois pendant la guerre avec ses 2 enfants dont J.M.G. âgé de trois mois. "Puisque j'ai grandi avec l'idée que nous étions des Bretons et qu'aussi loin que nous puissions remonter nous étions reliés par ce fil invisible et solide à ce pays" dit-il.

Avec J.M.G Le Clezio, nous allons parcourir les chemins de son enfance et partager les tâches de la vie d'avant : aller chercher l'eau à la pompe communale, vivre la journée de battage dans la chaleur de l'été et la poussière, découvrir les secrets de la mer à marée basse, la musique de la langue bretonne et du biniou, être ému par les souvenirs attendris de Mme Le Dour, le goût de ses crêpes et du cidre tiède et de Hervé, son héros breton, un homme de la terre du même âge que le narrateur et auprès duquel il découvrira la Bretagne.

Nous découvrirons une nature et une campagne qui vibre d'odeurs, de senteurs, qui provoque tant d'émotions à Jean-Marie Gustave : une vie simple, rythmée par les saisons et la beauté de la nature.

Aujourd'hui, c'est cette Bretagne qui m'émeut. Grâce aux agriculteurs, les beaux champs de blé de mon enfance courrent encore jusqu'au bord de la mer. Je ne sais rien de plus beau qu'un champ de blé devant la ligne des dunes ou le long des falaises. Une simple haie de ronces et de fougères les sépare de la lande, comme un symbole entêté de résistance aux désordres de la mer et des déserts pavillonnaires."

Ce récit si lumineux est suivi d'un second, plus oppressant, plus gris car c'est la guerre. On y retrouve la pensée profonde de J.M.G. Le Clézio très préoccupé par les souvenirs de l'enfance et est très inquiet pour les enfants, victimes innocentes d’événements qu’ils ne peuvent pas comprendre mais qui vont les marquer pour toute leur vie.

Second conte : L'enfant et la guerre

"Le premier souvenir de ma vie est un souvenir de violence. Il remonte à la fin de la guerre, et non au début. C'est un souvenir tellement fort que je ne peux douter de l'avoir vécu."

C'est l'explosion d'une bombe dans le jardin de l'immeuble de sa grand-mère, rue Carnot à Nice qui conduira la famille (ses grands-parents maternels, sa mère et son frère) à se réfugier dans le petit village de Roquebillière dans l'arrière-pays niçois, dans la vallée de la Vésubie.

C'est la guerre. Il ressent le vide, la peur et la faim

 « Quand on parle de faim, la plupart du temps ceux qui en parlent l’ont connue de l’extérieur. Moi, je l’ai connue de l’intérieur. Avoir faim, ce n’est pas juste ce petit creux délicieux avant de revenir chez soi, au sortir de l’école. » 

Et pourtant, cette période de vie au milieu des femmes lui laisse "le souvenir d'un confort chaleureux, d'une sorte de cocon dans lequel nous pouvons grandir à l'abri".

De sa grand-mère, il n'oublie pas sa joie de vivre, les histoires qu'elle raconte, les comptines qu'elle chantonne... mais il se souviendra des mouches qui marchent sur la vilaine plaie qui ne cicatrise pas sur la jambe de sa grand-mère, cette plaie qui est à hauteur de ses yeux.

Cette situation d'enfermement de la guerre ne l'a pas endurci. Il avoue que cela l'a rendu violent et lorsqu'il est venu possible d'ouvrir les fenêtres, ce n'est pas une colère capricieuse qu'il a manifesté mais la fureur, besoin de crier et de pleurer à s'en rompre la gorge.

Au bout de cette enfance, il y a l'Afrique.

 

En ces temps si particuliers de confinement, le récit plein de sensualité résonnera de façon très particulière en chacun de nous et les mots si justes de ce conteur exceptionnel réveilleront les émotions si personnelles de notre enfance, notre propre fondation.

africain

Je vous propose donc de continuer un bout de chemin avec cet enfant Le Clézio, avec ses émotions si vives de l'enfance, parti rejoindre son père, médecin en Afrique.

Cela fait sept ans que cet homme, ce père, attend sa femme et ses deux fils. La famille débarque à Port Harcourt, au Nigéria, au mois de juin 1947. J.M.G. Le Clézio a 7 ans, il est né le 13 avril 1940.

A quelques reprises, Ogoja est mentionné dans ce dernier roman, nous pouvons poursuivre les émotions de cet enfant, élevé par des femmes, qui fera connaissance avec son père inconnu, et qui éprouvera ce sentiment intense de liberté dans cette brousse africaine : quitter la maison la journée durant, courir avec son frère et les enfants noirs vers la grande plaine d'herbes, baigné d'une chaleur accablante, aller dans le royaume des termites et des fourmis...

L'Africain est un court récit émouvant très auto-biographique avec quelques photos vieillies mais on y trouve cette Afrique si magique.

Catherine M.

Chanson bretonne Suivi de  L'enfant et la guerre : deux contes, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Gallimard, 2020. 153 p.

L'Africain, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Gallimard (Folio n° 4250), 2005. 124 p.

Crédit photo : Electre.

9 avril 2020

A la ligne : feuillets d'usine de Joseph Ponthus...

ponthus

« Mon épouse amour… » Authentique, Emouvante, Originale, Ecrite, cette déclaration d’amour qui clôt A la ligne : feuillets d’usine de Joseph Ponthus. Mais, avant d’en citer quelques extraits, voici une rapide présentation de son contexte.

«  J’écris comme je pense sur ma ligne de production

Divaguant dans mes pensées seul déterminé

 

J’écris comme je travaille

A la chaîne

A la ligne ».

Le titre était intrigant : on comprend maintenant le jeu de mot : celui qui travaille sur la ligne de production en usine - et souvent  « au cœur des lignes ennemies » - est aussi l’auteur qui choisit une écriture sans ponctuation, rythmée pour façonner une prose à la fois poétique et d’un réalisme poignant, toujours très libre par l’usage parfaitement maîtrisé des aller à la ligne.

Quel est le but de Joseph Ponthus ? Sans doute se sauver par l’écriture tout en portant un témoignage de première main sur le travail d’un intérimaire à Lorient dans le secteur de l’agroalimentaire : D’abord dans une usine de production et de transformation de poissons et crustacés : quarante tonnes de crevettes par jour « autant de crevettes autant de questions » et sûrement autant de questions en égouttant du tofu pendant neuf heures de nuit ou en pelletant des tonnes de bulots. Et pour changer de la marée : sabres, grenadiers, lieus et chimères (« j’ignorais jusqu’à ce matin qu’un poisson d’un tel nom existât ») l’abattoir. Nettoyer une chaîne de découpe, « porter pousser tracter tirer » journellement dans les six cents carcasses de bovins… et le soir, ivre de fatigue, voler encore deux heures « au repos au repas à la douche/ et à la balade du chien » pour  « tâcher de raconter ce qui ne le mérite pas ».

Si ! Tout mérite d’être raconté, d’abord pour ceux qui, avant tout autre point de vue, défendent la cause des hommes. Comment survit-on à cet épuisement quotidien, à cette précarité angoissante que supporte chaque jour un intérimaire ? Joseph Ponthus a plusieurs moyens de survie : d’abord la littérature. Serait-il un de ces intellectuels qui ont choisi de faire pour un temps une expérience de la condition ouvrière ? Pas du tout. Il avait commencé des études de lettres, fait l’expérience du journalisme indépendant puis travaillé comme éducateur spécialisé en banlieue parisienne mais c’est actuellement par nécessité qu’il fréquente une agence d’intérim de Lorient depuis qu’il a tout quitté pour épouser une houataise.

 A l’usine, la chanson est un autre moyen de survie:

« A l’usine on chante

putain qu’on chante

On fredonne dans sa tête

On hurle à tue-tête couvert par la bruit des

machines » 

Sauf les jours sans :

« L’autre jour à la pause j’entends une ouvrière dire

à un de ses collègues

« Tu te rends compte aujourd’hui c’est tellement speed que je n’ai même pas le temps de chanter »

Je crois que c’est une des phrases les plus belles

les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière ».

 

Pour Joseph Ponthus, il y a des mots qui font vivre comme « Force, Courage, Endurance » et il y a l’amour qui « sauve tout

quoi qu’il arrive ». 

 

« Mon épouse amour

Il y a ce poème d’Apollinaire aux tranchées qui

m’obsède par sa beauté et sa justesse […]

Il y a ce cadeau à t’écrire […]

Il y a notre amour

Il y a des vaches à la bouverie qui attendent d’être

tuées demain à la première heure

Il y a des gamins vénézuéliens ou malgaches qui

préparent des couronnes de crevettes surgelées […]

 Il y a que j’avais la force aujourd’hui et que j’ai

soulevé sans peine de leur crochet la cinquantaine

d’agneaux qui est partie en commande pour

Pâques […]

Il y a Phontus de Tyard qui est mon ancêtre et dont

deux vers s’accordent si bien avec ces feuillets

d’usine

« Qu’incessamment en toute humilité

Ma langue honore et mon esprit contemple » […]

Il y a dans le monde des hommes qui n’ont jamais

été à l’usine à la guerre

« Il y a là les mystères les silences » […]

Il y a qu’il n’y aura jamais

De

Point final

A la ligne. »

 

Michèle M.

A la ligne : feuillets d'usine,Joseph Ponthus, La Table Ronde, 2019. 263 p. (Grand Prix RTL/Lire 2019, Prix Régine Deforges, Prix Jean Amila-Meckert, Prix du premier roman des lecteurs de la ville de Paris, Prix Eugène Dabit du roman populiste).

Crédit photo : Electre.

 

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7 avril 2020

Les choses humaines de Karine Tuil...

tuil

Ce livre parle d'une affaire de viol et questionne le lecteur sur les limites du consentement. A travers une histoire devenue assez classique à notre époque contemporaine, Karine Tuil, dans son roman construit d'une  manière assez simple, nous présente dans un premier temps chacun des principaux personnages afin d'imprégner le lecteur de leur histoire personnelle  et de leur psychologie.

La première partie du livre, avec ses airs de presse people, nous apprend la réalité d'une famille de pouvoir et où tout semble rouler dans le meilleur des mondes. Le père journaliste politique vedette de la matinale d'une grande station de radio, s'attache à 70 ans par tous les moyens à sa carrière. Son épouse nettement plus jeune est une essayiste féministe et ensemble ils ont un fils qui étudie dans une brillante université américaine. Ce décorum a de quoi susciter l'admiration du public jusqu'au jour où une lame de fond vient s'abattre sur cette famille car le fils est accusé de viol.

Cet acte arrive assez tardivement dans le livre et surprend le lecteur par son apparition brutale. Tuil veut ainsi montrer que le sexe est ici la cause du dérapage, le sexe comme une injonction instinctive qui menace de tout faire exploser.

Les faits sont clairs, derrière la déposition de la victime, l'évidence se dessine et chaque lecteur est tenté de se ranger du côté de cette dernière.

La seconde partie du livre est alors un véritable travail d'investigation au cœur de l'appareil judiciaire et médiatique concurrencé de près par les réseaux sociaux et les collectifs de soutien aux victimes. L'autrice interroge sur les limites du consentement et la notion de version des faits entre victimes et coupables.

Ce roman prend sa puissance et son envol dès lors qu'il impose au lecteur, le questionnement là où pourtant tout semblait clair au départ.

Karine Tuil joue avec brio au jeu délicat de l'impartialité et propose un roman ambitieux et efficace.

Emmanuel C.

Les choses humaines, Karine Tuil, Gallimard, 2019. 341 p. (Prix Interallié 2019, Prix Goncourt des lycéens 2019).

Crédit photo : Electre.

 

6 avril 2020

Un monde sans rivage d'Hélène Gaudy...

rivage

11 juillet 1897, départ des explorateurs Andrée, Fraenkel et Nils Strindberg. Leur but : atteindre le pôle Nord en ballon. Découvrir et donner leur nom à un nouveau territoire où planter leur drapeau. On sait dès le début du livre que le projet échouera et que les restes de leur corps seront retrouvés, analysés, disséqués, en 1930 (à l’occasion d’une fonte de neige spectaculaire, déjà !).

 Les déconvenues se présentent très rapidement : le ballon descend dangereusement, obligeant les aérostiers à jeter beaucoup de choses, même des vivres, puis le ballon remonte tout aussi dangereusement et ils sont devenus trop légers pour maîtriser les mouvements de leur engin. C’est tellement bien raconté, qu’on se prend au jeu comme si on ne connaissait pas la fin de l’histoire. Le 14 juillet, ils se posent et ne repartiront pas ! On comprend que l’expédition n’était peut-être pas suffisamment préparée (pas de vêtements appropriés et un invraisemblable matériel qu’ils vont traîner coûte que coûte).

Va commencer une errance dans des conditions de survie épuisantes, tout en persévérant dans leurs activités scientifiques (recueil des végétaux et minéraux, observation des oiseaux). Ils restent portés par leur curiosité, leur mission de rapporter des informations, des clichés.

 L’auteur ne se contente pas de reconstituer ce qu’a pu être leur voyage avec les quelques éléments matériels récupérés, le journal d’Andrée, les lettres et les photos de Nils. Elle fait une rétrospective des avancées techniques et de l’aéronautique en amont, des tentatives plus ou moins loufoques (saut de la Tour Eiffel par exemple) et les grands noms que l’histoire a retenus, les frères Montgolfier, Jacques Charles et son 1er ballon à gaz, Pilatre de Rosier. Elle reconstitue brièvement les maillons de la chaîne de « ceux qui cherchent à quitter la terre ».

 Elle évoque aussi la vie antérieure des trois compagnons d’infortune et retrace le portrait de ces hommes qui vont devoir vivre ensemble dans des conditions extrêmes. Des hommes courageux, dévoués, vaillants, « légers comme des amateurs, solides comme des héros ». Comment est née cette flamme qui les pousse à tenter l’impossible ?

Elle revient également sur la vie du remplaçant, le « joker » qui ne sera pas du voyage, et qui montera une expédition en 1915. Son bateau sera inexorablement broyé par la glace. Scène très pathétique, mais tout l’équipage sera sauvé pour trouver au retour, la guerre et ses tranchées.

 Après les quelques jours d’été, on entre dans la longue nuit d’hiver. Ils tentent d’installer leur « home » sur une île, un caillou miraculeusement rencontré où ils espèrent échapper à la mouvance de la banquise, à l’eau glacée qui les menace en permanence.

 Passionnant !

 Chantal B.

Un monde sans rivage, Hélène Gaudy, Actes Sud, 2019. 313 p.

Crédit photo : Electre.

3 avril 2020

Ceux qui partent de Jeanne Benameur...

benameur

J’ai découvert Jeanne Benameur en achetant, à une vente de livres de la bibliothèque de Lancieux, Otages intimes. J’ai été séduit. Puis apprenant la sortie de Ceux qui partent, je me suis précipité.

 Le sujet : l’exil, l’émigration sont d’actualité même si le roman se passe en 1910, sur Ellis Island, aux portes de New York.

 Cinq personnages principaux entrent peu à peu :

Il y a d’abord, dans les premières pages, un jeune photographe amateur Andrew Jonsson, attiré par la pose et le mouvement d’un père et sa fille, Donato Scarpia et sa fille Emilia, lettrés italiens. Lui, le comédien tient un livre dans sa main, c’est l’Enéide sa boussole, elle, dans ses bagages, transporte ses toiles, soigneusement roulées et protégées, avec les costumes de scène de son père.

 Andrew est un habitué d’Ellis Island et de la variété des émigrants et de leurs langues. Il est lui-même descendant d’un Islandais et d’une vraie Américaine, descendant d’une fille embarquée sur le Mayflower.

C’est ici, sur ces visages, dans la nudité de l’arrivée, qu’il guette quelque chose d’une vérité lointaine.

Puis plus tard, déjà à la page 45, apparaît Esther l’Arménienne.

C’est alors que l’attention d’Emilia est captée par une femme, assise sur sa valise, tenant en main un petit carnet et écrivant….Elle la trouve d’une étrange beauté…. C’est ainsi parfois que naissent les choses impalpables entre les êtres.

Enfin, à la page 60, Gabor, le bohémien qui veut fuir son clan.

Lui, il est musicien. Il joue du violon.

Lui, il a envie de voir les autres. … la grande diversité des visages, des vêtements, des corps, l’attire.

Au cours du roman, on voit apparaître l’environnement des personnages principaux : la famille d’Andrew et la jeune fille, Lucile, que sa mère veut lui faire épouser, sa grand-mère Ruth, la prostituée qu’Andrew visite régulièrement, puis les personnages du clan bohémien de Gabor, Marucca son amoureuse et Masio sorte de tuteur de Gabor…

 Tous les personnages principaux se rencontrent, se frottent, se découvrent dans cet espace clos de Ellis Island pendant les 48 heures d’attente avant d’être libérés, vers un monde qui sait que rien n’appartient à personne sur cette terre, sauf la vie.

Seul Andrew apparaît comme le seul libre, le seul déjà américain…

Truculent, sensuel, poétique…

Henri H.M.

Ceux qui partent, Jeanne Benameur, Actes Sud, 2019. 330 p.

Crédit photo : Electre.

2 avril 2020

La transparence du temps de Leonardo Padura...

padura

Leonardo Padura est un auteur de grande renommée, déjà présenté à notre club-lecture. Au départ avec Vents de carême qui débute par une vigoureuse description d’un cyclone balayant les rues de La Havane. Depuis, je guette avec vigilance les nouvelles œuvres de cet auteur !

 La transparence du temps est le neuvième opuscule des enquêtes de Mario Conde, ancien policier, détective privé dont l’instinct, même désœuvré, est encore bien vivant.

Ce nouveau roman débute aussi par une dépression, celle de notre héros : calamité ! Ses 60 ans approchent. Cela détruit son moral, d’autant que ses amis préparent une fête d’anniversaire mémorable. Lui, n’y tient pas du tout.

Bobby, un ami de lycée perdu de vue depuis bien des années, le contacte avec insistance pour qu’il enquête sur le vol d’une statue ancienne celle de la Vierge noire de Régla qui a des pouvoirs mystérieux de type miraculeux.

Padura retrace l’histoire de cette statue à travers les temps et les lieux où elle a été repérée (croisades, guerre civile en Catalogne bien avant les années 1936…).

Mais, nous sommes aussi invités à découvrir le temps présent à Cuba dont l’ouverture du régime est récente. Mario Conde s’intéresse notamment au milieu des marchands d’art. Il constate qu’il y a des « gagnants » au prix de multiples mensonges et hypocrisies. Mais, il y a aussi toute la misère des bidonvilles, éloignés de La Havane centre, habités par des migrants venus de Santiago et que, bien sûr, ne connaissent pas les touristes venus à Cuba. Nous le découvrons grâce à Padura.

En quatrième de couverture, analyse que je partage, La transparence du temps est présenté comme « Un voyage éblouissant dans le temps et dans l’histoire, porté par un grand roman plein d’humour noir et de mélancolie ».

Les personnages récurrents des romans de Padura : Mario Conde et son chien Bassura (ici, II), El Conejo Carlos (rescapé de la guerre en Angola), El Flaco, Josepha la fidèle cuisinière, Tamara, l’amie de Conde et sa sœur jumelle Aymara, Manolo (Manuel Palacios) le policier. Bobby (Roberto Roque Rosell) est un nouveau personnage.

Michel M.

La transparence du temps, Leonardo Padura, Métailié 2019. 437 p.

Crédit photo : Electre.

 

1 avril 2020

De bonnes raisons de mourir de Morgan Audic...

audic

Morgan Audic est un jeune auteur français, né à Saint-Malo en 1980. Il vit depuis plus de dix ans à Rennes, où il enseigne l’histoire et la géographie en lycée.
Il est l'auteur de Trop de morts au pays des merveilles, un thriller publié en 2016, aux éditions du Rouergue puis de De bonnes raisons de mourir publié en 2019 par les éditions Albin Michel.

Avec ce nouvel ouvrage, très différent du premier, Morgan Audic nous plonge dans une enquête assez terrifiante et quasi désespérée. Lors d'une visite touristique de Pripiat (banlieue de Tchernobyl sur un site hautement radioactif, interdit à toute population) un cadavre atrocement mutilé est découvert suspendu à la façade d'un bâtiment de cette ville totalement abandonnée...

La victime est un jeune citoyen russe, fils du petro-oligarque Vektor Sokolov, ancien ministre de l'énergie en 1986. L'épouse de ce ministre et l'une de ses amies avaient été assassinées d'une manière à peu près similaire trente ans plutôt le 26 avril 1986, la nuit même où la centrale de Tchernobyl a explosé.

Nous suivons pas à pas deux enquêteurs, aux motivations divergentes. Résoudre cette enquête est une vraie aubaine pour Melnik qui souhaite à tout prix quitter l'enfer du commissariat de Pripiat et ses radiations pour vivre normalement à Kiev avec sa femme. En parallèle, Alexandre Rybalko, policier ukrainien, en rupture de banc est engagé par Vektor Sokolov pour enquêter, à titre privé, sur le meurtre de son fils. L'ordre lui est donné de retrouver le tueur et de le supprimer !

 

Un récit dur, instructif, exceptionnellement documenté. Ainsi, on apprend que cette fameuse nuit, 8 hommes (les liquidateurs) s'étaient portés volontaires pour plonger dans le bassin inondé sous le réacteur 4, pour activer ses pompes et le vider de son eau avant que le coeur en fusion ne l'atteigne évitant une explosion de plusieurs mégatonnes qui auraient rendu inhabitable une bonne partie de l'Europe.

On découvre avec un réel effarement la puissance de réseaux mafieux russes qui contrôlent le pillage systématique de la zone d'exclusion et la revente aux pays occidentaux de tous les biens et matériaux abandonnés lors de l'évacuation de plus de 250.000 personnes de cette ville puis de la région (80 km autour de la centrale). De l'emploi forcé et contraint de pauvres tchétchènes ou ukrainiens, qui déjà contaminés, n'ont plus grand chose à perdre si ce n'est la vie !

Une histoire assez glaçante que l'on dévore littéralement où la psychologie, l'écologie, la politique et l'économie se mêlent étroitement, et où malheureusement le sentiment humain n'a plus cours.

Bernard W.

De bonnes raisons de mourir, Morgan Audic, Albin Michel,2019.490 p.

Crédit photo : Electre.

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