Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lire sur les remparts !
Lire sur les remparts !
Newsletter
Archives
25 août 2009

Piège nuptial...

piegenuptialPiège nuptial, Douglas Kennedy, Belfond, 2008. 265 p. Nouvelle traduction du roman paru sous le titre Cul-de-sac en 1998 aux éditions Gallimard et trad. de : The dead heart (1994).

Un thriller psychologique jubilatoire…

Un yankee de l’Etat du Maine achète à Darwin le polar de CHANDLER : Les pépins, c’est mes oignons. Inconséquence navrante !

Un premier volet de 77 pages pour multiplier des avertissements auxquels le principal intéressé reste bien sûr insensible. La carte d’Australie, en elle-même, était déjà parlante : « une île, presque aussi vaste que les Etats-Unis, avec pour tout réseau routier, un fil rouge qui la coupait en deux du Nord au Sud, et un autre qui en bordait les côtes, comme un feston ». « Ne vous risquez pas sur les pistes du bush »…Ah ! Nick Hawthorne, tu as intérêt à aimer l’imprévu, « parce que c’est pas ce qui va te manquer mon pote. Et, dans le secteur, quand tu tombes sur l’imprévu, c’est vraiment le top ». « Tu sais ce qui t’attend ? la désolation ». Notre « Energu-Maine » va faire connaissance du pays de « Nulle-Part » avec son premier kangourou, sous forme d’ « un bruit écœurant contre le pare-chocs » ; c’est qu’ « on ne roule pas dans l’outback après le coucher de soleil », trop tard pour être furieux de ne pas avoir respecté cette règle numéro 1, de ne pas avoir écouté sa raison lui répétant : « débarrasse-toi de cette fille » dont la conception de l’amour à de quoi « filer quelques appréhensions », et d’avoir répondu : « oui, vraiment » à une walkyrie nymphomane qui « sollicite instamment vos hommages toutes les deux heures » et vous demande : « tu veux vraiment de moi ? ».

Appelons le deuxième volet : « lune de fiel » dans « un monde où la logique ordinaire n’a pas cours ». On vous accorde, lecteur imprudent, 120 pages pour vous laisser séduire par le charme discret de Wollanup [un ancien site minier, rayé de la carte après l’incendie de la mine d’amiante].Son air vivifiant : « un gaz ardent- l’oxygène chauffé à blanc par la température caniculaire et chargé de relents pestilentiels » ; son urbanisme : « baraques sommaires » de part et d’autre d’une « rue » en terre battue ; son environnement paysagé : « une montagne d’ordures de près de vingt mètres de haut » ; une situation géographique privilégiée : à

700 kilomètres

de Kalgoorlie, la ville la plus proche [la piste ayant d’ailleurs été effacée de la carte en même temps que la ville] ; ses habitants : « une communauté de hippies attardés ? » ; sa source de richesse : à découvrir ! Son site : on doit pouvoir se dire « cette fois, je l’ai vu, l’endroit le plus déshérité de la planète » ; son jeune couple de charme : Angie, l’éviscéreuse de kangourous et Nick, le « pisse-copies ». Rien ne serait moins original  que de s’attarder aux mouvements d’humeur d’une jeune femme séduite, droguée, enlevée, séquestrée, violée, contrainte à un mariage forcé, brutalisée, humiliée, prisonnière à vie ; mais, mettez donc ces mêmes banalités au masculin !

A supposer, chose improbable, que l’on n’ait pas succombé au charme de Wollanup et que l’on veuille se risquer à une petite promenade de santé aux environs, il vaut mieux savoir que « ce bout de désert devait tuer raide tout ce qui s’aventurait dans son périmètre. Couleur sang séché. Le CŒUR MORT de l’Australie ». 56 dernières pages pour rester « groggy d’horreur ».

Michèle M.

*

        Cela pourrait s’appeler Nick ou les infortunes du sexe dit fort. Quelle mouche a donc piqué (ou plutôt quel kangourou a attiré) cet Américain pour qu’il choisisse comme lieu de villégiature, l’Australie. Cet homme ordinaire au physique ingrat : « J’ai surpris mon reflet dans la glace et ce que j’ai vu, un gus de trente-huit ans présentant tous les signes habituels d’un quinquagénaire qui se néglige, ne m’a pas plu du tout. Le ventre était mou et relâché, un vilain amas de graisse pendait sous mon menton, mes cheveux blonds étaient ternis de mèches grises, des cernes de fatigue permanente se creusaient sous mes yeux et mes tempes étaient parcourues d’un réseau de rides aussi complexe qu’une carte de chemin de fer. » va confronter sa vacuité à celle du bush qu’il décrit ainsi : « Un paysage préhistorique aussi formidable qu’effrayant . Le commencement du monde… ou sa fin. Un vide au diapason de celui qu’il y avait en moi. ». Nick fait preuve d’orgueil en se mesurant à l’infini.

Il aura pourtant reçu quatre avertissements l’incitant à rebrousser chemin. Ce sera d’abord le client d’une boîte de strip-tease : « Bon, faut espérer que tu aimes le bizarre, parce que tu vas en avoir ton compte. Et quand je dis bizarre, dans ce coin du  pays, je veux dire du bizarre qui craint vraiment. ». Le prédicateur ne sera pas plus rassurant : « - Tu sais dans quoi tu vas partir, mon frère ? Dans un désert maléfique et païen que Dieu a créé pour mettre à l’épreuve ses ouailles. » Un kangourou viendra percuter son minibus, endommageant son véhicule et provoquant la chute de notre héros. Enfin il prend en stop un vieil aborigène qui lui fait cette étrange déclaration avant de s’éloigner : « Un p’tit conseil, mon gars. Va jamais par là-bas. Reste sur la grand-route. »

Mais évidemment quand il croise la route de la séduisante Angie : « Une belle plante solidement charpentée, vingt ans et quelques, cheveux blond vénitiens coupés court, un bronzage qu’elle avait dû dégoter au berceau. », plus question de rebrousser chemin. Elle va pourtant lui faire vivre une version modernisée de la série Le Prisonnier, cependant sans l’aspect propret et policé  tout en lui imposant un rôle de composition, celui du conjoint tyrannisé par sa moitié : « Certes Angie n’était pas armée mais elle ne me flanquait pas moins une trouille bleue. Avec elle, le sexe ressemblait à un remake du sac de Rome par les Wisigoths, un raid dévastateur qui vous laissait comateux après trois intenses minutes. Elle ne vous faisait pas l’amour, elle vous passait à tabac. Aucune finesse, aucune… tendresse. Bref, elle se comportait au lit comme la plupart des hommes. ». Ce retournement de situation est le ressort principal de cet humour noir caractéristique de l’œuvre.

Précipitez-vous sur le premier roman du plus français des romanciers américains (selon son éditrice). Savourez l’intrigue jubilatoire de ce road-movie à la fois comique et tragique.

Sylvie L.

Laissons à Douglas Kennedy la responsabilité de conclure : « Dans mes livres, je rôde toujours autour de l’idée que chaque homme est très doué pour construire sa propre prison, le mariage étant la prison la plus commune. Le couple rongé par le sentiment confus de culpabilité est l’un de mes thèmes obsessionnels. » Le Nouvel Observateur 17-23 mai 2007.

*

Crédit photo : Electre.

Publicité
Commentaires
Lire sur les remparts !
Publicité
Publicité