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16 avril 2010

Bonjour, Anne de Pierrette Fleutiaux

         

            A la recherche d’ « Anne-la-mienne ».

            bonjourTel pourrait être le sous-titre de ce livre, vibrant hommage à  Anne Philipe : « Vous avez été la première femme parfaitement accomplie que j’ai rencontrée. » Vingt ans déjà qu’elle a disparu, cette grande dame dont Pierrette Fleutiaux nous trace le portrait à petites touches.

            C’est d’abord Anne aux multiples vies. Elle naît Anne Marie Nicole Ghislaine Navaux, en 1917, en Belgique qu’elle quitte, en 1938, pour Paris : « Paris était votre espoir, votre désir passionné. » Elle devient Nicole Fourcade en épousant François et a un fils, Alain, en 1939. En 1946, elle fait son premier voyage en Chine pour rejoindre son mari ; en 1948, elle est « la première Européenne à avoir parcouru, à dos de cheval, de mulet, de yak la légendaire route de

la Soie

à travers le désert du Sin-Kiang, le long de la frontière soviétique, jusqu’à L’Inde. »  En 1942, elle a rencontré celui qui sera l’ « amour parfait ». Ensuite elle divorce et épouse en 1951 Gérard Philipe qui lui fait reprendre son premier prénom : elle sera désormais Anne Philipe. Ils ont deux enfants : Anne-Marie et Olivier ; mais son mari meurt en 1959. Elle restera, jusqu’à sa mort, fidèle à cet amour, se dévoilant y compris dans la manière de prononcer son prénom : « Cette façon de prononcer « Gérard » : une hésitation infime d’abord, puis  un voile de douceur enveloppant les syllabes, très léger, à peine sensible. »

            Ensuite une même vie (après la mort de son mari) revêt de multiples facettes. En tant que veuve de l’acteur, elle contribue à faire vivre le souvenir du disparu ; elle est la mère et le père de ses enfants. Elle mène de front une carrière d’écrivaine (Elle viendra d’ailleurs tardivement à l’écriture de romans)  et d’éditrice occupée à promouvoir de jeunes talents. Elle reste une femme engagée, comme au temps où elle prenait position aux côtés de son époux  et fait connaître les œuvres des dissidents. Au quotidien, elle se révèle une parfaite femme d’intérieur sachant cuisiner ou faire la lessive.   

            Tout cela est possible grâce à une certaine philosophie de l’existence.

            Elle se trouve en adéquation totale avec son environnement et a su se détacher de ce qui ne dépendait pas d’elle : « Anne aspirait à la beauté, à l’intelligence, à tout ce que l’esprit humain peut produire de beau et de subtil, elle respirait dans cet air-là, s’y mouvait naturellement, avec grâce et simplicité. Non que sa vie n’ait connu nuisances diverses, désagréments et soucis, et malheur affreux comme on le sait, mais elle ne se laissait pas conduire par eux. ».

            Elle aime la simplicité, comme le montre son appartement où le seul luxe est la présence abondante de livres, parle peu de ses amis célèbres. Telle une épicurienne, elle goûte les petits bonheurs de l’existence, comme les baignades à Ramatuelle.

            Elle est attentive aux autres ; cependant, en même temps, elle existe pour elle-même ; elle croit à l’égalité dans  le couple, elle qui n’a jamais vécu dans l’ombre de son mari. Ce qui ne l’empêche pas de rester sur son quant-à-soi : « Vous n’aimiez pas qu’on vous embête, je l’ai vite appris. Coup de patte du chat qui envoie bouler l’importun. »

            Elle avait su transcender le temps : « Elle était jeune. Quelqu’un m’a dit il y a peu qu’elle était sans âge, peut-être est-ce la même chose. Je ne l’ai pas vue changer en quoi que ce soit, de visage, de corps ou d’allure durant les dix à quinze ans où je l’ai connue. Une femme fine et longue, très droite, habillée avec simplicité, un visage sans fard, à l’expression mobile. »

            N’oublions pas que se dessinent en creux deux autres portraits. Celui de l’auteur : jeune écrivaine dont la vie sera bouleversée par la lettre d’Anne à propos de son manuscrit : « J’aime. Je ferai tout pour le faire prendre. » ; l’amoureuse qui s’éprend d’un jeune homme (de quatorze ans son cadet), à une époque où c’est encore source de scandale ; l’individu dont la conscience politique s’éveille… Celui aussi de Gérard Philipe, en tant que mari d’Anne qui était « sa part stable et grave ».

            Bravo pour avoir fait revivre cette grande dame qui avait tout d’une héroïne jamesienne de par son énergie et sa personnalité si complexe qu’on ne peut la couler dans un moule.

            Souhaitons que ce bel hommage à une « mère en écriture » permette que sorte de l’oubli l’œuvre d’Anne Philipe, elle qui accordait tant de prix à l’écriture : « Je voyais  Anne, je la devinais déposant chaque mot délicatement, sur sa page, avec autant de précaution, de longueur de temps qu’on en prendrait pour un papillon, pour ne pas le meurtrir,  pour ne garder que la trace poudrée de son passage. »

Sylvie L.

               

Bonjour, Anne, Pierrette Fleutiaux, Actes Sud, 2010, 240 p.

Crédit photo : Electre.

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