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17 janvier 2012

Le système Victoria d'Eric Reinhardt...

systeme2On aimerait parler de vision romanesque pessimiste, de portraits-charge, mais à quoi bon nier : telle est la société contemporaine, quelle que soit l’idéologie politique de ceux qui lui donnent le ton. Victoria de Winter, responsable des ressources humaines d’une puissante société britannique, est l’irrésistiblement séduisante et dangereuse représentante de la société libérale, elle est « du côté de ceux qui fabriquent les problèmes » ; son salaire annuel s’élève à 350000 € -et ne parlons pas de l’octroi de stock-options qui « si elle les réalisait, se chiffreraient à trois millions d’euros »- . David Kolski, architecte reconverti en directeur de travaux, se présente comme un homme de gauche ; il se tue au travail pour un salaire médiocre – mais tout est relatif !- afin de répondre aux exigences irréalistes d’un promoteur affolé à l’idée des pénalités exorbitantes qu’il devra verser à ses clients en cas de retard de construction des cent cinquante étages de la tour Uranus ; pénalités que les clients, eux, verraient plutôt favorablement ! Quel que soit le système, il broiera les individus.

Tout le système est fondé sur le mensonge, et ce, à tous les niveaux. Manipulation des syndicats, par exemple ; la DRH peut leur dire sans sourciller exactement le contraire de ce qu’elle leur a juré de faire quinze jours plus tôt. Le système c’est de ne « jamais se laisser enfermer par aucun engagement […] de quelque nature qu’il soit ». « Tel était le système qui fondait l’existence de Victoria : ne jamais être à la même place, se segmenter dans un grand nombre d’activités et de projets, pour ne jamais se laisser enfermer dans aucune vérité- mais être à soi-même, dans le mouvement, sa propre vérité. » « Il n’y avait que le sexe pour interrompre sa fuite en avant. »

La relation individuelle n’est pas moins gangrenée que le milieu politique ou social. David et Victoria ont au départ un point commun : « C’est peut-être cela l’histoire de notre rencontre. On est aimés tous deux par nos conjoints, mais détestés par nos belles-familles, alors une part de nous-mêmes se sent autorisée à aller chercher ailleurs cette petite dose d’amour dont on nous prive. » Voilà donc un homme qui aime son épouse -Sylvie est une femme psychologiquement très fragile, mais très attachante- et donc, se refuse à la tromper en ayant une liaison mais entendons : une liaison durable ; les rencontres d’une nuit avec des inconnues qu’il ne reverra jamais n’ont rien à voir, selon lui, avec de l’infidélité ; « tu vois, dit-il à Victoria, quand on s’est rencontrés, nous étions chacun dans un système. Moi, mon système c’était d’avoir une maîtresse une fois de temps en temps, assez rarement, et de ne la voir qu’une fois. Toi, ton système c’était d’avoir un amant permanent… » Le voilà donc attiré dans le système de quelqu’un d’autre qui ne peut que le briser.- La construction du roman ne laisse au lecteur aucune illusion.- Le bonheur se confond avec le plaisir ; il faut aller au bout de ses fantasmes et il n’y a pas de plaisir sans le luxe, la puissance et le sexe aux pulsions de plus en plus incontrôlables voire fatales… Victoria peut d’ailleurs se demander si  la perversité ne serait pas « l’unique destination, le seul apanage des passions parallèles ».

C’est le culte d’individus hors norme qui n’ont à se justifier devant personne ; dans le système Victoria, il ne faut pas voir les choses « d’un point de vue basique, sans hauteur d’esprit. Les interdits moraux, nous n’avons jamais pensé qu’ils nous concernaient, ni qu’ils pouvaient nous limiter : on vous les laisse volontiers, vous qui avez besoin de repères. » David n’a que trop raison d’avoir peur !

Michèle M.

(Article conseillé : « La tour infernale » in Le Magazine Littéraire n° 511)

Le système Victoria, Eric Reinhardt, Stock 2011. 521p.

Crédit photo : Electre.

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