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23 avril 2014

L'homme qui avait soif de Hubert Mingarelli...

mingarelli

Le 11 avril 2014 Hubert Mingarelli recevait à Saint-Brieuc le Prix Louis Guilloux pour son roman L’homme qui avait soif.

En 2003 le Prix Médicis avait couronné Quatre soldats.

Pourquoi Hisao laisse-t-il le train repartir sans lui ? Qu’est-ce qui le retient de courir alors qu’il en est encore temps ? Qu’est-ce qui l’emporte sur le désir de veiller sur la valise qui part avec le train et où il a caché un cadeau : un œuf de jade pour Shigeko sa fiancée d’Okkaïdo, qu’il ne connaît encore que par des échanges épistolaires ? Il en pleure de désespoir mais la soif qui l’obsède est plus puissante que tout autre désir: « l’eau était sa vie et son bonheur » et l’eau dont le besoin irrépressible l’a fait descendre du train arrêté en rase campagne ne coule que goutte à goutte, « sans doute un reste de rosée que la mousse avait gardée ».

Depuis qu’il a combattu dans les montagnes de Peleliu « Hisao Kikuchi ne supportait plus la soif. Son corps, son esprit, tout en lui désormais la craignait. A tout moment, elle prenait forme, elle était vivante. » « Quand j’ai soif, disait-il, je perds la tête ». C’est la soif d’une bête, comme elle il guettera jusqu’aux trous d’eau d’une route pour s’y abreuver.

Hisao retrouvera-t-il son œuf de jade ? Une quête commence : « Hisao courait, courait derrière le train, vers sa valise et le cadeau pour Shigeko. » La réussite ou non de la quête est déjà un premier centre d’intérêt.

D’autre part, une quête provoque toujours des rencontres et Hisao, lui-même si vulnérable, fera l’expérience de diverses formes de solidarité parfois très émouvantes puisque l’aide lui vient avec simplicité de personnes que la vie a profondément blessées, on le devine jusque dans les silences qui sont une des force de l’écriture de Mingarelli,

Même s’il se projette vers un avenir dont il attend l’apaisement, pas un moment Hisao, survivant du plus tragique des combats du Pacifique, ne peut déposer son fardeau : « Moi, j’ai été dans une bataille » sera sa justification. Dans la montagne de Peleliu, les soldats japonais creusaient jour et nuit, de grotte en grotte, un réseau inextricable de galeries pour se protéger des bombardements américains ; c’est dans ces boyaux obscurs qu’Hisao rencontra Takeshi : « Ce qu’ils formaient tous les deux était né dans la montagne, dans ce ventre sombre, rempli de poussière, de bruit, et sans la moindre lumière naturelle. » Takeshi, si frêle, « qui inventait des chansons avec des riens. » Où est maintenant l’âme de Takeshi ?

La guerre avait modelé Hisao : on l’a vu après le bombardement de Peleliu, se traîner sur les mains, sur les genoux puis tomber face contre terre, vaincu par la soif et le désespoir, aux pieds de l’ennemi. Mais on le verra, sa quête achevée, debout face à un jeune soldat noir américain et lui disant : « J’ai été un animal, mais j’ai changé depuis Peleliu. » Et ils n’auront pas besoin de parler la même langue pour se comprendre.

Michèle M.

 L’homme qui avait soif, Hubert Mingarelli. Stock, 2014. 154 p. (Prix Louis Guilloux 2014).

Crédit photo : Electre.

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