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20 novembre 2019

Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena... (Prix du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan 2019)

ghettoMercredi 30 octobre, Prix du Club-lecture de la Bibliothèque municipale de Dinan

«  Vincente avait été un homme installé… Il était devenu un fugitif, un traitre. Un lâche. Il était devenu celui qui n’était pas là où il aurait dû être, celui qui avait fui, celui qui vivait alors que les siens mouraient ; Et à partir de ce moment-là, il a préféré vivre comme un fantôme, silencieux et solitaire. »

Histoire d’une insoutenable culpabilité : celle d’avoir fui la Pologne devant la montée de l’antisémitisme ; d’avoir laissé derrière lui une mère, un frère… coupable d’avoir été soulagé de s’être éloigné d’eux, coupable de leur avoir survécu. Un innocent coupable de la mort d’une mère exterminée à Treblinka avec des milliers d’autres juifs, d’un frère tué dans le ghetto de Varsovie… Le silence sera son ultime secours : « Plus. De. Mots », son addiction aux jeux, une façon de se détruire jour après jour.

Le récit est très personnel mais la réflexion universelle : Comment peut-on définir un individu ? Et comment définir, pour ce cas particulier, ce que veut dire « être juif » ? De quoi se nourrit notre culpabilité ? Que choisir face aux tragédies de l’Histoire : la parole ou le silence ? «  J’ai souvent écrit que l’oubli était plus important que la mémoire » et pourtant « j’ai souvent affirmé, en écrivant, que j’écrivais seulement pour survivre à mon passé. » Réflexion sur la transmission… C’est passionnant et profondément émouvant.

Michèle M.

***

On pensait avoir tout écrit sur l’Holocauste ? On n’avait pas encore écrit « Le Ghetto intérieur ».

Vicente Rosenberg aimait la Pologne, la langue allemande, ses auteurs et ses poètes, aimait l’Europe. Il aimait moins être juif : être juif lui pesait, de même que sa famille, sa mère et leurs fêtes religieuses.

Mais en arrivant à Varsovie, jeune étudiant, il prend la mesure de l’antisémitisme ambiant et a la bonne idée, en 1928, de fuir cette Europe qui le hait et cette famille qui lui pèse.

Il construit sa vie à Buenos Aires avec Rosita, est heureux et garde ses distances avec sa mère restée en Pologne.

Mais l’histoire le rattrape : en 1940, il n’est plus question d’être Polonais, Allemand, Français ou Argentin. Il est question d’être juif ou non-juif.

Et devant l’horreur de ce que Vicente commence à percevoir des maigres nouvelles venant de Varsovie, il va s’emmurer dans la culpabilité d’avoir abandonné sa mère, au même rythme que celle-ci sera emmurée à Varsovie par les nazis : chacun son ghetto, chacun son cauchemar.

Ce roman de Santiago H. Amigorena est merveilleusement écrit, il interroge, éclaire, réunit et redonne espoir. C’est un des plus beaux romans que j’ai lus cette année.

Emmanuelle C.

***

Comment survivre à l’innommable ?

« Pour bien avancer il ne faut pas trop se retourner. »

Seule manière de survivre : oublier… ne pas vouloir savoir.

Ce n’est pas propre à la Shoah, c’est idem pour les disparus d’Argentine.

S’installer dans le silence, refuser de penser à l’horreur d’une vie coupable pour avoir pris la fuite, abandonner sa mère, ne pas avoir été là où il fallait, avoir manqué à sa destinée.

« Un silence si fort, si continu, si acharné que tout deviendrait lointain, invisible,inaudible. Un silence si tenace que tout se perdrait dans un brouillard de neige. » 

Comment combattre le silence ? « On le combat avec l’écriture qui est une autre forme de silence.»

Comment revivre, arrêter de perdre ?

« Il faut faire quelque chose contre le rien que je peux. Je peux rien. Je ne peux rien. »

« Etre de nouveau un homme. Un homme qui vit. Un homme qui vit. Un ami. Un mari. Un père. Un… un enfant. Etre. De nouveau, un enfant. »

L’auteur décortique les mots Shoah, Génocide, Solution finale, Crime sans nom, sans pouvoir en mesurer l’horreur.

Les mots s’enchaînent, les phrases se répètent comme un chant mélancolique.

Mémoire d’une famille, de toutes les familles assassinées de l’Humanité.

Jacqueline B.

***

Le Ghetto intérieur, Santiago H. Amigorena, P.O.L., 2019. 190 p. (A aussi obtenu le Prix des libraires de Nancy-Le Point 2019).

Crédit photo : Electre.

 

 

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