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18 décembre 2013

Fantôme de Jo Nesbo...

 

fantome

“La vie est un restaurant que tu ne peux pas t’offrir. La mort, c’est l’addition pour le repas que tu n’as même pas eu le temps de prendre. » Telle est la philosophie de Gusto Hanssen, victime d’un assassinat et dont l’agonie se prolonge jusqu’à la fin du livre.

Bon retour dans l’univers d’Harry Hole, lui-même de retour au pays après trois ans d’absence. Oubliez la Norvège des gens heureux, celle du miracle économique et de la richesse après la découverte de gisements de pétrole ; bienvenue à Oslo, mais dans l’envers du décor, le petit monde des camés capables de tuer père et mère pour un peu de fioline.

Harry est revenu pour prouver l’innocence d’Oleg accusé d’avoir tué Gusto, et il ne pourra plus quitter son pays natal, malgré ses tentatives pour retourner à Hong-Kong. Comme Don Giovanni (L’œuvre de Mozart va être jouée dans le nouvel Opéra d’Oslo), il ne pourra refuser l’invitation du Commandeur, survivra-t-il comme il a survécu à l’avalanche et à l’instrument de torture dans le Léopard ? Nul besoin de nommer tout de suite notre héros, tel Œdipe (qui signifie pieds gonflés), il est reconnaissable à deux caractéristiques physiques : sa balafre et sa phalange en titane. Véritable personnage tragique, il est pris au piège, semblable à un rat. Cette métaphore animale est développée tout au long du livre, à la fois sous ses aspects négatifs (transmission de la peste, aspect grouillant) et ses aspects positifs qui l’emportent, sous la forme de la rate (présente au début et à la fin) qui ne pense qu’à nourrir ses petits, quels que soient les obstacles. L’image est utilisée par le héros lui-même : « Un rat n’est ni bon ni mauvais, il fait seulement ce qu’un rat doit faire. » ; « Tu comprends, Oleg ? je suis un rat qui se retrouve dehors et qui ne peut rentrer que par un chemin qui passe par toi. »

Dans ce monde impitoyable où la mort rôde et où les rapports humains reposent sur le pouvoir et la domination, tout est glacé, pareil à une gangue qui vous emprisonne : « Qu’était-il donc allé imaginer ? Qu’il pouvait soudain échapper à la malédiction, qu’il pouvait s’enfuir avec eux à l’autre bout du monde et vivre heureux jusqu’à la fin de leurs jours ? » La malédiction, pour Harry, c’est qu’il est policier et agit toujours en tant que tel, mais il n’y a plus de place pour la morale dans cet univers.

Ne reste plus à notre héros que la chaleur des souvenirs heureux des jours où il vivait en famille avec Rakel et Oleg et celle du sentiment qu’il éprouve toujours pour cette dernière : « Elle rit. Harry ferma les yeux et sentit le soleil le plus délicieux du monde baiser sa peau, le rire le plus délicieux du monde baiser son tympan. ». D’ailleurs l’anneau qu’il lui avait offert lui permettra de sauver Irene, l’amoureuse d’Oleg.

Le lecteur est aussi captif de cette implacable mécanique : parfaite maîtrise des deux narrations qui parfois se rejoignent et s’éclairent l’une l’autre, finesse de l’analyse psychologique des personnages, goût du détail, parfois très cru mais jamais gratuit, construction parfaite de l’intrigue. A la fin, cette interrogation lancinante : la trilogie

(comprenant précédemment Le bonhomme de neige et Le léopard auxquels ce livre fait constamment référence) deviendra-t-elle tétralogie ? Chapeau bas, Monsieur Nesbo, vous savez renouveler l’intérêt, tout en gardant la même thématique. On se prend à rêver que Martin Scorsese ne porte pas seulement à l’écran Le bonhomme de neige.

 Sylvie L.

 Fantôme, Jo Nesbo, Gallimard, 2013. 547 p.

 Crédit photo : Electre.

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